mercredi 29 novembre 2017

La grande solidarité des lions

     Je suis Simba le Grand, autrefois roi de Tonga. Mais je n'ai pas oublié mes congénères qui n'ont pas eu la chance de "descendre" à l'Espace Zoologique. Certains sont morts, comme le bel Olympe, d'autres prospèrent et vivent un semblant de retraite, comme mon frère Mulan qui fut châtré tout jeune pour faire croire au public des cirques qu'il s'agissait d'une femelle (d'où son nom ambigu). D'autres enfin sont partis vers d'autres zoos, comme Persy qui a rejoint Major à Touroparc. Souvent dans la journée, j'entends rugir les lions du sanctuaire Tonga Terre d'Accueil. Je ne réponds pas, car je sais qu'ils sont bien traités. Les soigneurs sont aux petits soins et les animaux du sanctuaire ne souffrent pas de la pression de la foule les jours d'affluence.


     Mais ma solidarité s'étend à bien d'autres lions dont me parle Wil et qui sont devenus grâce à ses expéditions presque des amis. Je vais vous les présenter: admirez leur beauté et les différences de caractère qu'ils manifestent et qui sont visibles même sur des photographies.



     Il y a tout d'abord Kaoma, le "petit" Kaoma qui est né aux Abrets et qui a fêté ses dix ans en 2017. Il a reçu un tout nouvel enclos où il pratique plusieurs sports - la sieste bien sûr, mais aussi l'escalade et le sprint - en compagnie de la lionne Wembé, autrefois compagne de Coquard à l'Espace Zoologique. Sans Wembé, Kaoma est tout déboussolé et il reste toute la journée près des trappes... Kaoma est un lion d'Afrique, mais comme moi, il n'a jamais vu l'Afrique. C'est le nom de l'espèce mais ses parents étaient déjà des immigrés.



     Jasraj par contre est un lion d'Asie dont le père Radja et la mère Joy sont nés en Inde, dans la forêt de Gir où subsistent les derniers lions d'une race qui peuplait l'Europe, l'Afrique du Nord, le Proche et le Moyen-Orient. Le lionceau que déchira le héros juif Samson était un lion d'Asie, tout comme les lions qui épargnèrent Daniel ou ceux qui dévorèrent les enfants qui se moquaient d'Elysée le Prophète. Jasraj est né en février 2009 à Zurich en Suisse et il est venu à Lyon avec Aipani (née à Helsinki en 2000) en septembre 2011 pour trôner au Parc de la Tête d'Or. Jasraj est le nom d'un chanteur indien très connu dans son pays, mais c'est aussi un personnage de la mythologie hindoue appelé le "Roi de la Gloire".



     Le lion Major trône à Touroparc, commune de Romanèche-Thorins aux confins du Rhône et de la Saône-et-Loire. C'est un lion d'Afrique mais d'une variété de petite taille, comme l'indique son poids à l'âge adulte, proche de 150 Kilogrammes. La vieille Louise s'en est allée et c'est Persy qui la remplace depuis le 18 juillet 2017. Major aime bien s'installer sur son rocher, d'où il peut voir naître des zèbres et des girafons. Wil a parfois du mal à le faire descendre mais vers le soir ils échangent quelques caresses virtuelles.


   
     Le lion Makani a succédé à Skippy au Parc Crocs et Griffes du Safari de Peaugres en Ardèche.


     L'histoire de Makani et Wil est assez particulière. En avril 2017, Wil visite le Safari de Peaugres comme il le fait une fois par an. Il constate que l'enclos des lions est en cours de rénovation, mais à côté du Tribunal du Loup, dans un enclos transitoire occupé précédemment par le tigre Youri, il découvre deux lionceaux de deux et deux ans et demie environ. Le petit mâle vient vers lui au plus près de la fenêtre et ils se regardent longuement comme s'ils étaient de vieux amis. "Qui est ce petit bonhomme?" se demande Wil. Un soigneur de passage dit qu'il s'agit du nouveau lion venu d'un zoo allemand. Mais Wil se met à chercher sur Internet. Il trouve que la femelle vient de Beauval et le mâle de Bâle!
     Or Wil connait le zoo de Bâle et surtout son lion d'Afrique MBali (ci-dessous), qui lui avait présenté très aimablement sa progéniture en 2015: trois lions mâles Makani et les jumeaux Majo et Motshegetsi. Ainsi le petit Makani, qui était le plus proche de son père ce jour-là, se souvenait de Wil, avec son bâton de randonnée et son caméscope.


MBali dans toute sa gloire

Vous ai-je déjà parlé de ma sœur?

     Ma sœur partage mon enclos et j'en suis bien aise! Ma sœur la Lionne de l'Espace Zoologique est ma raison de vivre et mon réconfort lorsque je ne dors pas. Et même alors, c'est elle qui me tient chaud en hiver, lorsque nous passons presque toute la journée dans notre "caverne" devant la porte de l'enclos.



     Ma sœur s'appelle Princesse et elle a tout d'une reine. Elle est belle, elle est douce et elle veille à ce qu'aucune journée ne soit dépourvue de câlins. Elle est la seule qui mette un peu d'ordre dans ma crinière et elle me rappelle souvent mon rôle de Roi des Animaux. Bon, elle n'est pas un vrai Marmiton, ni un chasseur hors pair... tout simplement parce que nos soigneurs chassent pour nous et nous accommodent nos portions.


     On a dit que Princesse était timide, je vous assure que ce n'est pas vrai, pas avec moi en tous cas. On a dit qu'elle était renfrognée, mécontente. Cela peut arriver, je ne le nie pas! Mais la raison pour laquelle elle ne sourit pas sur les photos, c'est tout simplement parce qu'elle ne fait pas beaucoup de cas des humains, des enfants comme des autres! Et Princesse peut être jalouse...





     Lorsque Wil a commencé à me visiter régulièrement, elle a explosé! Elle l'a traité de "bipède" inutile et comme je persistais à me lever pour aller à sa rencontre, elle m'a dit d'un air courroucé: "Je ne vois pas ce que tu lui trouves, à ce bipède. Il ne t'apporte même pas à manger. Et il se tient toujours bien à l'abri derrière la vitre, parce qu'il a la frousse! Il fait son malin derrière la vitre, mais laisse moi l'approcher et tu verras s'il fait encore son malin!"



     Et puis Princesse s'est mise à jouer à un petit jeu pervers. Lorsque j'étais calmement couché à côté de mon ami, elle venait par derrière et me mordait à belles dents dans les fesses... ce que je n'aimais pas du tout! Hé, c'est que cela fait mal. Elle a de bonnes dents, la frangine! Alors je me levais en sursaut, avec un cri rauque et je la chassais. Mais je me rapprochais aussi de la vitre et je me dressais sur les pattes de derrière pour montrer mes dents à ce pauvre Wil qui n'y était pour rien. Et la coquine prudemment assise à dix mètres se mettait à glousser de plaisir, parce qu'elle avait pu rompre la sérénité des deux amis.



     Mais Princesse a fini par ignorer Wil. Tout au plus commençait-elle à penser que son Simba vieillissant avait besoin de cette compagnie et qu'après tout Wil semblait respecter le Roi des Animaux. Alors elle a commencé à se rapprocher. Et elle a apprécié le fait que le "bipède" la saluait respectueusement. Après tout, ce n'était peut-être qu'un pauvre gars pas méchant...

A quand les lionceaux?

     La plupart des visiteurs de l'Espace Zoologique s'arrêtent devant le lion et la lionne, en se demandant s'ils pourront un jour voir des bébés lions. Les panthères ont bien eu des bébés, elles! Mais ce n'est pas si simple!

     D'abord les lions et les tigres semblent se reproduire un peu trop bien en captivité. Ensuite les lionceaux et les tigrous de tout poil grandissent très vite et entrent fréquemment en conflit avec les adultes à cause de la nourriture. Chez les lions, les petits mangent en dernier, s'il reste quelque chose. Chez les tigres, les petits mangent en premier avant leur mère. C'est dire qu'il est difficile de faire cohabiter tout ce monde dans un zoo qui a généralement un enclos par espèce présentée.

     Les zoos de Mulhouse avec le mâle Jetpur - récemment retourné en Angleterre d'où il venait - et les zoos de Bâle avec MBali et de Zurich avec Radja le père de Jasraj - aujourd'hui à Lyon au Parc de la Tête d'Or - font figure d'exception.



     Quant à moi, Simba le Grand, je n'aurai probablement pas de descendance. La lionne qui partage l'enclos avec moi est sous implant contraceptif ou soumise à des injections contraceptives - ce sont des subtilités pour nous autres mâles - si bien qu'elle ne devrait pas avoir d'oestrus. De surcroît, c'est ma petite sœur, saisie au cirque en même temps que Mulan, mon frère et moi.

     Je me console un peu en regardant les petits des autres, ceux des humains par exemple. J'adore les enfants et je suis comblé à l'Espace Zoologique, car en été les enfants viennent par centaines tous les jours et même hors saison, les Papi et Mamie viennent montrer le lion - Moi - aux petits dont ils assurent la garde. Et en tout temps, des Mamans avec poussettes viennent dire bonjour au gros chat que je suis. Je fais bien attention à ne pas les effrayer, je pose jusqu'à en avoir des crampes et je baille d'aise pour leur montrer mes belles dents...


mardi 28 novembre 2017

Les zoos visités par Wil

     Je suis un lion gâté. En effet, mon ami Wil vient me voir deux fois par semaine, car - vous vous en souvenez - un ami, c'est quelqu'un qui vous consacre du temps. Je me surprends parfois à l'attendre, mais je ne sais jamais à l'avance s'il va venir ou non. Ceci dit, juste entre nous, les lions ont une ouïe très développée et de surcroît, les animaux de l'Espace Zoologique communiquent entre eux sans que les humains, soigneurs ou visiteurs, ne s'en rendent compte. Wil se doute de quelque chose. Car il ne me prend jamais par surprise: je suis dans ma caverne, l’œil mi-clos comme un crocodile ou je suis sous le préau, prêt à filer vers notre lieu de rendez-vous habituel.



     Je vous disais que j'étais un lion gâté, car si Wil vient deux fois par semaine, cela me laisse cinq jours de repos, enfin en-dehors de la saison estivale... Wil n'a aucune idée de ce que je fais et de ce que je marmonne dans ma crinière, alors que moi je sais tout ce qu'il fait lorsqu'il n'est pas auprès de moi. C'est qu'il est si bavard... Il ne peut pas s'empêcher d'expliquer à d'autres visiteurs ce qu'il a vu dans les autres zoos et voilà, je sais tout et je connais même le "petit nom" des lions qui résident et règnent dans d'autres parcs animaliers. 

     Je connais même les notices nécrologiques. Depuis un an, il y a eu le meurtre de Motshegetsi à Leipzig, la mort du vieux Skippy à Peaugres et le décès de notre vénérable collègue de l'Atlas, Néro devenu Parisien depuis la réouverture du zoo de Vincennes. J'ai aussi pleuré l'assassinat de mon alter ego le lion Cecil (2015) puis de son fils Xanda (2016) au Zimbabwe. Mais heureusement, il y a des nouvelles plus joyeuses.


Néro, le lion du zoo de Vincennes, s’est éteint dimanche 15 janvier 2017. (LP/Florian Maussion).

     Voici quelques liens vers des zoos visités par Wil au cours des cinq dernières années, complétés par quelques liens vers des sites de photographes ou des forums de visiteurs, pour votre plus grand plaisir, je n'en doute pas.

Du Sud au Nord

Réserve Africaine de Sigean
https://www.reserveafricainesigean.fr/

Zoo de Montpellier au Lunaret
http://zoo.montpellier.fr/

Safari de Peaugres
http://www.safari-peaugres.com/

Espace Zoologique de Saint-Martin la Plaine
http://www.espace-zoologique.com/

Zoo de Lyon au Parc de la Tête d'Or
http://www.zoo.lyon.fr/zoo/

Parc animalier du Chateau de Moidière
http://www.chateau-moidiere.com/

Domaine des Fauves à Fitilieu (Abrets)
http://domainedesfauves.com/

Parc de Courzieu (il y a longtemps)
http://www.parc-de-courzieu.fr/

Parc des Oiseaux
http://www.parcdesoiseaux.com/fr/

Touroparc à Romanèche-Thorins
https://www.touroparc.com/

Parc zoologique de Mulhouse
http://www.zoo-mulhouse.com/

Zoo de Bâle (Zolli)
http://www.zoobasel.ch/fr/

Zoo de Stuttgart-Wilhelma
http://www.wilhelma.de/nc/en/home.html

Zoo de Berlin (Zoo)
https://www.zoo-berlin.de/en

Ménagerie du Jardin des Plantes
http://www.zoodujardindesplantes.fr/

Zoo de Paris à Vincennes
https://www.parczoologiquedeparis.fr/

     Et voici quelques photographes à fréquenter assidûment:

http://dom-nature.skyrock.com/
https://delepinay.fr/zoo-de-mulhouse-photo-souvenir/
https://www.flickr.com/photos/tags/zolli
https://www.flickr.com/photos/tambako/4518620887/in/photostream/
https://www.tobias-indermuehle.com/tiere/tiere.html
https://www.reisen-fotografie.de/wilhelma-stuttgart/
http://photos.geo.fr/member/20110-isabelle-leca
http://didiertougard.blogspot.fr/2014/12/les-animaux.html
http://www.fotocommunity.de/photos/zolli+basel
http://bernardfoto.ch/foto/
http://peter-bolliger.ch/tags/zoo+Zürich/
https://scalp77.fr/photo/index.php?/category/50
http://lynxdurhone.canalblog.com/
https://emy-photography.tumblr.com/

     Et pour suivre l'évolution des parcs et zoos:
http://www.zoonaute.net/blog/
http://www.leszoosdanslemonde.com

Je vous souhaite une belle aventure en visitant ces sites (Web et réel!).

vendredi 24 novembre 2017

Quelques liens Internet illustrant nos sphères d'intérêt

     Un des fruits de l'amitié, c'est le partage de nos sphères d'intérêt. Partage ne veut pas dire nécessairement que Wil va s'intéresser subitement aux antilopes ou aux gnous ou que Simba va faire les yeux doux aux chanteuses taïwanaises de passage. Mais "partage" signifie qu'on accepte que les goûts de chacun soient différents et qu'en cas de convergence d'intérêt, on passe du temps ensemble à les commenter.

     Par exemple, dès le début de notre aventure Wil m'a  murmuré à travers la vitre: "Simba, sais-tu qui est le Lion de Juda? Sois digne de Lui comme je voudrais l'être aussi." Or il est évident que les animaux se font de l'au-delà une toute autre image que les humains. Sur ce plan la convergence sera peut-être un personnage de l'épopée fantastique des Chroniques de Narnia de C.S. Lewis.


     Il n'est donc pas surprenant que les lions jouent un certain rôle dans nos sphères d'intérêt, ainsi que quelques humains remarquables... Les liens ci-dessous vous permettent de vous faire une idée de nos rêves et de nos références.

     D'abord "le lion" de Joseph Kessel, le roman et le film qu'on en a tiré avec Alain Delon et sa fille
   
     Puis le lion nommé Christian

     Connaissez-vous l'actrice Mélanie Griffith ?


     Elle joue dans un film unique dans les annales du cinéma...

     Bien plus "sage", la version de l'homme qui murmure à l'oreille des lions







Les signes et les codes de l'amitié.

     Nul doute que vous aurez compris que je suis un lion bien réel, qui a offert son amitié à un humain que nous conviendrons d'appeler Wil. Wil est un diminutif de Wilfrid, un nom qui évoque la recherche de la paix. Or précisément notre relation se caractérise par le respect, l'empathie, la paix et l'espérance vécues à chaque rencontre.

     J'ai dû faire des efforts pour convaincre Wil de mes bonnes intentions. Au début, il avait peur de moi, surtout quand je venais aussi près de lui que me le permet la baie vitrée. Petit à petit, il a compris ce qu'il devait éviter en ma présence royale et moi, Simba le Grand, j'ai réalisé que j'étais plus grand encore en n'abusant pas de ma force et de mon look effrayant normalement destiné à mes rivaux et pas à mes amis. Petit à petit aussi, Wil a compris que toutes mes mimiques n'étaient pas forcément des signes d'agressivité, mais qu'on pouvait les interpréter comme autant de clins d’œil et de codes bien entre nous, que les autres visiteurs ne comprendraient pas...

     Prenez mon bâillement, par exemple. C'est un signe en deux phases: d'abord j'ouvre ma gueule aussi grand que possible, en dévoilant l'entrée mystérieuse de ma gorge puis je referme plus lentement ma gueule en découvrant mes dents parmi lesquelles trônent mes quatre canines de 6 centimètres de long. Parfois je sors ma langue râpeuse toute rose puis je la range discrètement.



   Il n'y a aucune agressivité dans cette démonstration: au contraire, je bâille toujours le soir lorsque je me lève de la sieste. C'est autant la preuve que j'ai bien dormi - près de 17 heures dans la journée, tout de même - qu'une indication de fatigue ou de lassitude.

   

mercredi 22 novembre 2017

... qui vous consacre du temps

     Vous ne le croirez pas... trois jours plus tard, l'humain bavard était de retour dès l'ouverture de l'Espace Zoologique. Ma sœur Princesse venait de lancer son rugissement conventionnel du matin, après son inspection détaillée de toutes les baies vitrées et de tous les buissons dissimulant les grillages. Car c'est une maniaque, ma sœur! Elle refait le travail du soigneur, mais en plus précis et avec une très haute opinion de son rôle dans notre immense enclos. Lorsqu'elle est satisfaite - tous les jours à peu près à la même heure - elle lance à qui veut l'entendre son rugissement le plus convaincant, le seul de la matinée.
     J'avais donc accepté son rapport et je m'apprêtais à passer à ma première activité de la journée, la sieste. J'avais choisi un endroit stratégique, d'où je puis voir sans me relever tout à fait les deux chemins qui conduisent au Royaume des Lions d'Afrique. Mon enclos n'est pas plat et il n'y a rien de répétitif ou d'ennuyeux. Contrairement à certains congénères dans des zoos dont on m'a parlé, je n'ai pas de rocher ni de plateforme d'observation, encore moins de rocher chauffant... Mais je ne manque pas de troncs d'arbres couchés ni de buissons où je pourrais me cacher ou jouer à chat perché. Compte tenu du relief, il y a donc non pas un mais plusieurs points d'observation.



     Et c'est ainsi que je l'ai vu arriver, un bâton de randonnée en aluminium rouge dans une main et un caméscope dans l'autre. En ma qualité de roi de Tonga, j'avais déjà connu les caméras de télévision et je savais que c'était un instrument de visée tout à fait inoffensif. A propos, je n'ai jamais compris pourquoi la télévision venait pour le lion, alors que l'interview donnait toute la parole aux humains et pas même un bon mot ou une petite doléance au lion. Mais c'est une autre histoire.
     Je le voyais s'avancer sur le chemin, il cherchait visiblement le lion - moi! - peut-être inquiet après mes aventures inaugurales. D'abord, je le regardai avec curiosité, mais petit à petit la curiosité se changea en intérêt croissant. Je ne suis pas un obsédé de la fourchette et sa silhouette ne me faisait pas penser à un bon repas. Ici à l'Espace Zoologique, nous autres animaux avons le droit de regarder les visiteurs, mais pas de les goûter. Non, je trouvais sympa qu'il revienne me voir et sans que j'aie l'impression d'avoir donné un ordre à mes pattes arrières, voici que je me trouvais debout en train d'avancer à la rencontre de mon visiteur.

     Nous nous sommes regardés les yeux dans les yeux debout devant une baie vitrée. Je ne savais pas ce qui m'attirait vers cette personnalité humaine. J'en avais vu pourtant, des humains! Certains étaient irrespectueux et frivoles: ils ne faisaient que passer devant ma vitre en criant un numéro comme s'ils participaient à un jeu de piste. D'autres voulaient prendre un portrait de leur progéniture, avec le lion en arrière-plan: c'est tout dire, un peu comme si j'étais déjà réduit à l'état de tapis, un objet inhabituel en quelque sorte. Et puis très rarement, un homme ou une femme qui prenait du temps devant mon enclos comme s'il s'agissait d'une rencontre entre personnalités, entre êtres vivants sortis des mêmes mains créatrices, entre personnages du même roman épique qui se projettent au-delà de la mort!




   Je sentais bien que j’impressionnais mon visiteur. Peut-être lui avait-on appris qu'il ne faut jamais regarder un lion dans les yeux! Peut-être se disait-il que les vitres dont certaines étaient fêlées ne résisteraient pas à un choc délibéré! Peut-être se demandait-il simplement que faire maintenant, se quitter ou commencer une aventure complètement folle, à l'issue incertaine mais au charme indéniable.
     Nous autres lions sommes des personnes sociables, même les humains ont fini par s'en rendre compte. Nous sommes les seuls - parmi les félins - qui vivent en famille ou en groupe. Nous concluons des alliances, nous accueillons des amis et nous avons tout un spectre de cris et grondements que nous utilisons bien plus souvent que le rugissement. En repensant à cet humain qui s'était arrêté au chevet d'un lion malheureux, j'ai su tout à coup que j'allais lui offrir mon amitié. Rien moins que mon amitié. Avec une clause unique: chez nous un ami est quelqu'un qui vous consacre du temps. Si mon ami veut pénétrer dans l'intimité d'un lion, il devra venir régulièrement à l'Espace Zoologique pour que nous puissions partager des tranches de vie. Entre humains ils ont l'habitude de prendre un verre ou de se faire un restaurant! Ici c'est un peu difficile, à cause de notre réputation à nous autres lions et à cause de ces vitres qui nous rappellent notre place sur la scène de cette vie.





mardi 21 novembre 2017

Un ami, c'est quelqu'un qui...

      J'étais bien acclimaté dans mon petit enclos où je recevais tous les soins nécessaires pour mon épanouissement de la part des soigneurs de Tonga Terre d'Accueil, lorsque retentit la nouvelle de la mort de Coquard, le lion de l'Espace Zoologique contigu. Le pauvre vieux avait succombé à une infection rénale qui l'avait emporté en quelques semaines. Pendant plusieurs mois il a fallu se passer de lion. Les lionnes Wembé et Coralie qui furent ses dernières compagnes - et qu'on appelait les lionnes de l'Allier - partirent à leur tour vers un charmant Domaine des Fauves sis dans le poétique village de Fitilieu près de l'ancienne frontière entre Royaume et Empire - ou Savoie et Dauphiné.



     Cela faisait près de quatre ans que ma sœur Princesse et moi étions choyés à Tonga Terre d'Accueil. Nous avions repris une vie de lion, oublié les affres des transports de ville en ville et appris que les humains pouvaient aussi être désintéressés et vous nourrir sans spectacle ni soumission. Les vitres, les grillages et les barreaux ne nous embarrassaient guère, car nous pouvions voir d'autres lions et aussi des tigres, dont les feulements essayaient d'égaler nos rugissements - peine perdue!


     Et puis voici que tout à coup les humains ont commencé à s'agiter autour de notre "maison". Et avant que nous ayons pu présenter la moindre objection, nous voilà trimbalés dans une caisse comme des poulets qu'on mène au marché. Heureusement ce ne fut pas long et je dois dire que j'étais nerveux et craintif lorsqu'il a fallu sortir de la cage. Nous étions à l'Espace Zoologique, le royaume des Gorilles et de ceux qui les aiment.
     Le discours de bienvenue n'a pas été très long... en fait, je crois qu'il n'y en a pas eu du tout! A 14 ans, Simba roi de Tonga commence une nouvelle vie, avec un enclos vaste à s'y perdre et une sœurette tout aussi déboussolée que lui. Un enclos avec des grillages habilement dissimulés dans des buissons, d'immenses baies vitrées, une vraie attique qui permet aux lions de dominer les humains et deux observatoires pour les visiteurs auxquels curieusement nous n'allions pas avoir accès. Mais un enclos avec des pièges! Figurez-vous que les humains soupçonneux ont caché des fils électrifiés devant les baies et le long de l'escalier qui mène à l'attique.



     Je ne savais pas ce jour-là ce qu'était une clôture électrifiée. Le fil paraissait bien inoffensif et j'y mis malencontreusement la patte. Ouille! Énervé par cette première décharge, je m'en suis pris une seconde, une troisième... et j'ai couru me réfugier sous un buisson plus gros que les autres, au pied de l'observatoire du bas, derrière la vitre que l'on n'avait pas jugé digne de la punition électrique. Je restai là un bon moment, le visage écrasé sur la vitre et le cœur palpitant. Pauvre roi de Tonga, tu ne devais pas être très beau à voir, avec tes traits déformés et ton haleine qui se condensait autour de la moustache...

   
   
     Petit à petit, j'éprouve la sensation curieuse d'être observé. Je risque un clin d’œil: un humain se tient là, tout près de la vitre, tout près de moi. Ce n'est pas un humain qui passe - on les appelle des visiteurs, je crois - mais un humain qui s'est arrêté près de moi, à cause de moi, pour moi. Et il parle, comme si nous nous connaissions! J'aurais aimé lui dire: Vas-t-en, espèce de fou bavard! Mais je suis trop mal même pour montrer les crocs ou tenter un cri rauque. Et il semble si bizarre, il reste là et il parle toujours... Bien sûr je ne comprends rien à ce qu'il dit, mais cela n'a pas l'air de frôler son esprit - s'il en a un!
     Bientôt, les soigneurs de l'Espace Zoologique arrivent avec leurs voiturettes électriques. Parmi eux, le vétérinaire avec ses jeux de fléchettes et sa sarbacane amazonienne. On prie mon visiteur de quitter le secteur, c'est dangereux, parait-il. Il s'en va et je vous fais grâce des échanges que j'ai pu avoir avec cette troupe venue pour mater le nouveau lion... moi!

     J'étais sûr que je ne reverrais plus cet humain bavard. Dommage, car il m'avait tenu compagnie à un moment où je ne savais plus quel type de lion j'étais. Peut-être m'aurait-il fait encore davantage de bien s'il s'était tu. Mais est-ce bien vrai? Pouvait-il faire autre chose pour apaiser un lion? D'ailleurs qui était-il vraiment? Y avait-il quelque chose entre nous qui ne tenait pas du hasard de la rencontre? Pourquoi ne puis-je pas tout simplement l'oublier? J'ai bien oublié père et mère. Un humain, même pas taillé pour faire une proie digne de ce nom. Quelle distance par rapport à un roi de Tonga... enfin un ex-roi de Tonga!


dimanche 19 novembre 2017

Qui suis-je?

     Je suis un vrai Lion d'Afrique et j'habite quelque part entre Lyon et Saint-Etienne en France. Je sais qu'on m'appelle le Roi des Animaux et parfois le Roi de la Jungle, ce qui me fait rire comme mes amies les hyènes, car en Afrique, les lions vivent dans la savane subtropicale et non dans la jungle équatoriale. Va pour Roi des Animaux, c'est mieux ainsi... quoique je doive reconnaître qu'entre Lyon et Saint-Etienne, ce n'est pas précisément subtropical non plus!




     Je m'appelle Simba, autant dire que je n'ai pas de nom. En effet, dans une des grandes langues de communication de l'Afrique - le swahili - on utilise le mot simba pour désigner le lion... donc tous les lions d'Afrique sont des simbas... et je n'ai pas de nom, de "petit nom", quoi!
     Alors j'ai cherché un nom digne de ma royauté et de mon appétit et je suis tombé sur "Alexandre le Grand". Tiens, "Le Grand", voici un nom qui en jette! Et puis il y a des tas de gens en France qui s'appellent "Legrand": c'est un "nom déposé" qui n'attendait que moi. Simba le Grand, cela vous pose un lion, n'est-ce pas.



     Il y a des indiscrets qui me questionnent toujours sur mon âge! Si j'avais un certificat de naissance et des papiers en règle, je ne serais pas ici entre Lyon et Saint-Etienne. Voici ce que j'ai cru comprendre en écoutant les soigneurs et les guides qui emmènent les enfants vers mon enclos. Je serais né vers l'an 2000: voici qui permet de calculer facilement mon âge! Avec ma sœur Princesse et mon petit frère Mulan, nous avons été achetés à un élevage dans la Somme par un cirque qui espérait nous faire jouer dans un numéro de fauves. A cause de cela, on nous a sectionné la dernière phalange des pattes pour que nous ne puissions plus blesser les dompteurs avec nos griffes.

     Le 4 février 2010, je faisais partie d'un groupe de 3 lions saisis par l'association 30 millions d'amis avec l'aide de la Gendarmerie Nationale. On nous a placés dans un sanctuaire géré par l'association Tonga Terre d'Accueil. Même si nous n'avons pas eu tout de suite l'espace auquel nous pouvions prétendre, les soigneurs étaient très attentionnés et la vue depuis mon enclos s'étendait jusqu'aux sommets du Pilat. Le 16 mai 2014, je descendais avec ma sœur Princesse dans l'Espace Zoologique de Saint-Martin la Plaine où je me trouve toujours.